Peintre des mots
À la recherche d'un idéal de beauté
Ozias Leduc est un artiste très impliqué dans les cercles culturels, non seulement de la peinture, mais aussi philosophiques et littéraires. Il est un homme cultivé et avide de connaissances. Il s'abonne à plusieurs revues d’art de France, d’Angleterre, des États-Unis et du Canada, et devient un membre actif de l’Association des auteurs canadiens en 1932.
Il reçoit à Correlieu de nombreux écrivains tels que Robert de Roquebrune, Guy Delahaye, Marcel Dugas, et des musiciens, comme le pianiste et critique d’art Léo-Pol Morin.
A la fin des années 1930 lorsque les commandes se font plutôt rares, il poursuit sa recherche d'un idéal de beauté à travers l’écriture de poèmes et de notes sur l’art. À l'âge de 75 ans, il écrit une soixantaine de poèmes reflétant ses incertitudes et ses questionnements.
Leduc est obsédé par les mystères de l’univers. Il s’interroge sur la place de l’homme, de la nature et de Dieu. C'est par l'écriture qu'il précise sa vision de l'art, de la beauté et de leur signification spirituelle, notamment dans les nombreuses annotations de ses dessins préparatoires. Pour lui, l'être humain cherche continuellement à comprendre l'univers, et il croit que le seul moyen d'arriver à la vérité est par la connaissance, qui nous permet de percer les mystères de la nature.
Sa poésie nous permet de mieux comprendre sa démarche puisqu'elle est imprégnée de symboles, tout comme sa peinture.
Il rédige également quelques essais dont l’Histoire de Saint-Hilaire, on l’entend, on la voit. En voici un extrait :
Ce Pain de Sucre, au faîte du mont, jaillit dans un dernier bouillonnement en sa forme actuelle. Puis ce fut un long silence étale. Toutefois, avec le temps, ce silence fut envahi graduellement. Le climat se modifiant, les saisons désastreuses attaquèrent sa surface raboteuse qui se fendilla, ses bords tombèrent plus bas, le plateau perdit ainsi de son élévation et ses dimensions furent réduites en même temps. On peut voir, en éboulis – surtout d'un côté – les débris de son ancienne splendeur. - Ozias Leduc
Deux poèmes d'Ozias Leduc
Soleil levant
Le bon soleil
Regarde
Par mégarde
Le coin de terre où j’ai sommeil.
Il luit pour moi
sans doute
Mon coeur en est transi d’émoi
Ah ! Mais ! mon oeil
se ferme
Mon épiderme
A sa chaleur fait bon accueil.
Il fait des ronds.
Je rêve une trêve.
Mon pauvre coeur est plus profond
Est-ce bien ? est-ce mal ?
Sans plainte.
Hors l’enceinte
d’un gavé j’ai le “carnaval”
En tramp fichu
du reste
très modeste
Beaucoup plus que l’ange déchu.
A mon réveil
Je te bénis grand soleil.
Beau soir
Le ciel bleuit
Sur l’or et la pourpre du soleil disparu
Que nulle puissance, en son désir tendue,
Ne sut retenir.
Le ciel bleuit
Au pendant du côteau
De même que sur la plaine
Et sur l’eau claire du ruisseau
Qui semble, dans son mirage, le contenir
Avec tout l’or périclitant que l’astre entraîne.
Le ciel bleuit
Sur un souvenir
Joie ou peine.
Le soleil s’est tu
Un dernier instant de lumière,
Un instant, que nul ne pourrait dire,
Se perd au ciel bleui
Dont le reflet dans l’eau
Se mêle à l’image renversée des roseaux.
Le soleil s’est tu
C’est lui qui modèle, de ses instants suprêmes,
Les jours et les nuits.
Instants d’éternité
Qui font la vie tant brève,
Le coeur si troublé.
Le soleil s’est tu
Il fait trève
A nos yeux éblouis.
Mais demain, une nouvelle chaîne
Joies ou peines
A perte d’haleine.