La Maison de Paul-Émile Borduas
De nouveaux horizons
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Trois vitraux de l'église de Xivray-et-Marvoisin, France.
Photo : Luc Bouvrette.
En 1928, suite à la perte de son emploi de professeur, Borduas décroche grâce à Ozias Leduc une bourse de deux ans pour étudier les arts religieux et les techniques du vitrail à Paris. Ce passage dans la Ville Lumière lui permet d’entrer en contact avec la peinture moderniste, celle de Picasso, Matisse, et Renoir, et de se faire une idée plus contemporaine de la production artistique de l’époque.
Son voyage à Paris est donc rendu possible grâce à la générosité d’Ozias Leduc et d’Olivier Maurault, historien et prêtre sulpicien. C’est entre autres ce dernier qui subvient aux besoins financiers de Borduas durant cette période. En plusieurs endroits de son journal, Borduas note l’arrivée des chèques, et une correspondance importante lie les deux hommes durant son périple français.
Borduas arrive à Paris en novembre 1928 et dès le 1er décembre, il reçoit une lettre de M. Maurault : « Je suis heureux de vous savoir avec votre ami Gilles Beaugrand, à la Maison canadienne. Si vous parvenez à y vivre, en mangeant trois fois par jour, pour mille francs, restez-y. Il se peut que la Maison soit trop éloignée des Ateliers: à vous de juger. Je vous envoie plus de mille francs, à cause des fêtes.»
Durant ce premier voyage en France, Borduas est inscrit aux Ateliers d’art sacré de Paris où il reçoit une formation de décorateur d’églises auprès de Maurice Denis. Borduas est à Paris depuis seulement quelques jours lorsqu’il se rend chez Jean Hébert-Stevens, maître verrier originaire de Picardie qui possède un atelier de vitrail à Paris avec André Ruiny. Il s’inscrit donc aussi aux ateliers d'Hébert-Stevens & André Ruiny. Il étend alors ses connaissances à de nouveaux médiums, ce qui lui donne l’espoir d’accéder à divers types d’engagement et d’obtenir plus de contrats. Cette diversité des moyens dans l’expression artistique appelle l’une des grandes qualités qui caractérisera le mouvement automatiste, celui de la pluridisciplinarité. La production de cette première période parisienne est assez méconnue : quelques vitraux et croquis dont il ne reste souvent que peu de traces.
Dépliant de l’Atelier des arts sacrés de Paris.
Fonds d’archives Paul-Émile Borduas du
Musée d’art contemporain de Montréal.
Aux Ateliers d’art sacré, il fait la connaissance de Pierre-Claude Dubois, un autre élève beaucoup plus avancé dans sa formation. Sous sa supervision, Borduas travaillera sur des fresques en Lorraine dans le village de Rambucourt et, grâce à lui, il obtiendra le contrat de décorer l’église de Xivray-et-Marvoisin et de produire des vitraux. Il est au départ un peu déstabilisé par la méthode de Dubois qu’il n’aime pas beaucoup, car elle « laisse une trop grande part au hasard ». Il est à propos de se demander si ce premier contact avec une vision plus libre de la production ne lui permettrait pas de poser les premières bases, de manière inconsciente, de sa vision artistique. On peut aussi faire le lien avec la pensée qu’il développera quelques années plus tard dans son enseignement, avec le groupe des Automatistes et dans sa production picturale personnelle. Son expérience auprès de Dubois et de l’équipe à Rambucourt semble enrichissante. Il apprécie le travail pratique et, surtout, le contact avec les artistes, maçons et architectes, auprès de qui il apprend et développe sa pensée et ses méthodes de travail.
Durant l’été 1929, il voyage un peu en France. Il passe du temps à Xivray-et-Marvoisin, se rend entre autres en Bretagne où il fait « du paysage, de la lecture et surtout », où il dit mettre « un peu d'ordre dans ma tête ». Il précise que : « si j'ai beaucoup vu et beaucoup entendu, par contre j'ai eu peu de temps pour penser. J'escompte beaucoup d'avantages pour ces quelques temps de vacances ».
Par la suite et tout au long de l’automne 1929, il s’occupe des contrats de Rambucourt et de Xivray-et-Marvoisin. Il ne rentre finalement à Paris que pour fêter Noël. Borduas sent qu’il a encore de multiples choses à apprendre et tente de demeurer le plus longtemps possible dans la capitale mondiale des arts qu’est Paris. De janvier 1930 à son retour en juin de la même année, Borduas se lance dans un marathon de visites des galeries d’art où il se familiarise plus spécifiquement avec la peinture moderne européenne. Il voit donc de multiples expositions qui proposent le travail d’artistes tels que Picasso, Renoir, Monet et Matisse. Il s’imprègne du travail de ces artistes, les commente, les critique et les admire. Il en tirera des enseignements précieux et se positionnera face à ces derniers avec le temps.
De nouveaux horizons
En novembre 1928, à lʼâge de 23 ans, Borduas arrive à Paris pour étudier les arts religieux et les techniques du vitrail.
C'est sous la supervision d'un collègue, Pierre-Claude Dubois, qu'il travaillera...
sur des projets de décoration d'églises en Lorraine, région du Nord-Est de la France.
La vie rurale de lʼépoque lui rappelle probablement celle de son Saint-Hilaire natal.
Il se familiarise avec un environnement riche dʼun important héritage...
culturel et architectural.
La Première guerre mondiale fait beaucoup de ravages. Dévastées par les bombes,
les églises en Lorraine sont réduites en ruines.
Au milieu des années 1920, la reconstruction des villes et des villages passe par celle des églises.
Celles-ci sont réédifiées et la décoration intérieure refaite à neuf.
Un des projets auquel participe Borduas consiste à décorer lʼÉglise de Rambucourt avec des fresques et des vitraux...
pour les multiples ouvertures. Malheureusement, les fresques ont aujourdʼhui disparu sous les couches de peinture.
Seuls les vitraux peuvent encore témoigner du travail des artistes et des artisans.
Le rôle joué par Borduas dans la production des vitraux demeure toutefois nébuleux.
Quelques documents soulignent son implication dans lʼélaboration du travail des vitraux et dans la gestion de leur réalisation.
Dubois nʼest d'ailleurs jamais très loin.
Il supervise le travail de Borduas à distance, se rend aux ateliers à Paris...
pour jeter un coup dʼœil aux vitraux et donne ses instructions pour la pose de ces derniers.
Tout comme à Rambucourt, l'église de Xivray-et-Marvoisin est reconstruite
et la décoration intérieure confiée à Borduas. Il peut ainsi goûter à tous les aspects de la gestion et de la réalisation du projet.
Depuis la fin du 19e siècle, avec lʼavènement de lʼArt Nouveau,
le vitrail est redevenu un art vivant. Les artistes sʼappliquent à jouer avec les formes,
les couleurs et la lumière. Cette forme dʼart apporte certainement à Borduas...
une vision autre quʼil pourra, même inconsciemment,
reprendre et appliquer dans ses œuvres ultérieures. Paul-Émile Borduas est dʼabord un peu déstabilisé par la méthode de travail...
de Dubois car elle laisse d'après lui « une trop grande part au hasard ».
On peut se demander si ce premier contact avec une vision plus libre de la création artistique...
nʼest pas à mettre en lien avec la pensée quʼil développera quelques années plus tard, tant dans son enseignement...
avec le groupe des Automatistes que dans sa production personnelle.
Intérieur de l'église de Rambucourt, France
Photo : Luc Bouvrette
« À Rambucourt j'ai rencontré un autre artiste, sculpteur qui collabore à la décoration extérieure de l'église, son nom est Albert Dubois. Tous ces jeunes artistes sont connus de mons. Leduc, je crois. Dubois est aussi très intéressant et tous ensemble m'apprennent une foule de choses lorsque nous sommes à table, eux pour causer, moi pour écouter, demander et quelquefois aussi pour ne pas être tout à fait de leur avis. Le moins jeune du groupe est Dubois, excessivement bon et aimable pour moi, mais peut-être pas le plus doué. (Je vous parle en toute confiance comme si je parlais à moi-même...) Mais pour vous faire voir son obligeance, il a cédé à me donner à décorer entièrement l'église de Xivray, une des plus jolies de toutes les églises de campagne. Royer en est l'architecte (un autre de mes amis). Il n'y a qu'un vague projet d'ensemble que j'étudierai et exécuterai en toute liberté (Dubois ne viendra me voir de temps à autres que pour me donner ses impressions) tout en surveillant quelques maçons et peintres qui exécuteront toutes les parties non décorées. Jugez de mon enthousiasme cher Mons. Maurault. »
© Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire, 2014.
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