La Maison de Paul-Émile Borduas
Borduas a su pousser et repousser les limites de la peinture canadienne pour la porter vers la modernité. D’abord négligé et dénigré par une majorité, son travail figure parmi les plus avancés et les plus dynamiques de l’histoire de l’art du XXe siècle. Ses recherches picturales ont mené la peinture vers une expression abstraite toute subjective et singulière. Sa peinture incarne l’écriture automatiste basée sur les recherches de l’inconscient énoncées et développées par Breton et les surréalistes. Par contre, il a poussé plus loin le concept pour l’appliquer à la production picturale automatiste. C’est justement sur ce point que la production de Borduas et des Automatistes se différencie de celle du mouvement surréaliste européen, car ils s’éloignent assez rapidement des propositions d’André Breton pour évoluer dans leur propre voie.
Depuis les années 1940, l’impact de l’œuvre de Borduas marque la production artistique et la société québécoises. De multiples expositions ont permis de diffuser et de faire connaître Paul-Émile Borduas tant aux États-Unis qu’en Europe tout au long de sa vie et bien après son décès. Bien que moins connu au Canada anglais, sa notoriété y est toutefois confirmée dans les années 1970, alors que le gouvernement fédéral a acquis le fonds d’archives de Borduas et qu’il a présenté une exposition itinérante à travers le pays. Les hommages rendus à l’homme et à l’artiste n’ont cessé depuis.
Dans son texte En regard du surréalisme actuel, Borduas écrit :
« Si les surréalistes nous ont révélé l'importance morale de l'acte non préconçu.
Spontanément ils mirent l'accent sur les « hasards objectifs » primant sur la valeur rationnelle. Leurs intentions n'ont pas changé.
Cependant les jugements rendus, depuis quelques années, portent de plus en plus les marques de l'attention accordée aux intentions de l'auteur. Cette attention domine de beaucoup celle portée à la qualité « convulsive » des œuvres.
D'où répétitions d'erreurs inconnues à la phase empirique.
L'intention est nécessaire, non suffisante.
Impossibilité de reconnaître l'intention vivante, fatale, de la fausse: attitude adoptée, recherchée, calculée, intéressée.
La qualité convulsive ne peut être que la résultante d'une opération magique ; exprimant une imprévisible relation matérielle.
Le reste est relatif, intéressant et nécessaire, non suffisant.
Si à la vue de ce dessin, j'ai la certitude morale d'être devant un Mousseau, ce n'est certes pas pour telle ou telle intention de l'auteur. Cette intention m'est encore en grande partie inconnue! Si j'ai la certitude d'être devant un Mousseau, c'est à cause d'une relation plastique non intentionnelle, fatale et constante à Mousseau que ma mémoire me rappelle comme une chose unique et propre à tous les objets qu'il façonne.
Si je reconnais telle aquarelle comme étant de Riopelle (exemples d'une des récentes expositions) ce n'est pas à cause des moyens employés, volumes, lumières, mouvements, matières, couleurs (ces moyens ont peu changé depuis toujours) mais uniquement à cause d'une relation plastique propre et tout aussi involontaire à Riopelle que la qualité de ses sens, de son esprit.
Là réside toute la puissance convulsive, transformante.
C'est cette puissance qu'ont perdue les artistes les plus connus de notre époque dans l'exploitation consciente de leur personnalité.
Breton seul demeure incorruptible. »
PAUL-EMILE BORDUAS
© Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire, 2014.
Tous droits réservés.