Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire
Musée virtuel du Canada

Le voyage final

Étoile noire. Composition faite de carrés noirs et bruns, superposés d'un petit carré noir dans le haut, sur fond blanc.

Paul-Émile Borduas, Étoile noire, 1957, huile sur toile.
Collection du Collection Musée des beaux-arts de Montréal,
don de M. et Mme Gérard Lortie. Photo Luc Bouvrette.
© Succession Paul-Émile Borduas / SODRAC (2013)

La période de rupture qui suit la publication de Refus global ainsi que ses problèmes familiaux poussent Borduas à mettre son projet de voyage à exécution. Il rêve de passer quelque temps à New York, puis à Londres et à Paris pour enfin se rendre à Tokyo. Il débute par une première escale à Provincetown à l’été 1953 et s’installe à New York dès octobre de la même année. La période estivale qu’il passe en sol américain est marquée par une frénésie de peindre. Borduas passe près de douze heures par jour à travailler. Sur la totalité des tableaux produits, une majorité est détruite. Il cherche et expérimente, reprend et recommence. Il sent que le point tournant de ce voyage marque aussi sa trace et des changements sur sa production. De plus, il trouve à son arrivée à New York un atelier « immense, inondé de lumière et tout blanc ». Borduas n’a jamais possédé un atelier si lumineux et il ne lui est jamais arrivé de peindre avec une si belle lumière naturelle. C’est donc une période florissante pour l’artiste qui se met à produire comme jamais auparavant. Sa peinture est en grande évolution.

Au contact des Expressionnistes abstraits, dont Jackson Pollock et « l’action painting », Borduas se tourne vers la peinture de plus grand format et transforme sa production artistique. Il exploite de plus en plus « l’accident » qu’il laisse apparaître dans la matière. Sa période new-yorkaise est enrichissante et la reconnaissance de son travail est en pleine expansion. Pourtant, New York n’exerce pas sur Borduas la même fascination que Paris. Dans un environnement culturel francophone qui est plus près de ses valeurs et de son tempérament, Borduas espère trouver un milieu artistique accueillant et plus sympathique.

En 1955, il s’envole donc pour Paris, où il ne trouvera jamais le milieu artistique dont il rêvait. Au cours des cinq années suivantes, sa peinture se minimalise autant d’un point de vue formel que pictural. Ses œuvres monochromes et ses noirs et blancs témoignent de sa volonté de repousser les limites de la peinture tout en cherchant à faire chanter sa matérialité. Les grands fonds blancs, héritage de son passage à Provincetown, sont maintenant travaillés en pleine pâte à la spatule et se couvrent graduellement de formes et de taches sombres. Ces pans de peinture bruns ou noirs occuperont de plus en plus l’espace de la surface picturale ne laissant subsister que quelques éclats de lumière blanche.

Borduas se consacre pleinement à sa peinture tandis que sa santé décline peu à peu. Tout au long de sa vie, et particulièrement à travers son travail pictural des dernières années, la quête d’une plus grande connaissance de soi ne lui fera jamais défaut. Le 22 février 1960, le chef de file du mouvement automatiste s’éteint à son atelier à Paris.

Image d'entête : Détail de l'entrée du 19, rue Rousselet à Paris, dernier domicile de Paul-Émile Borduas. Photo Luc Bouvrette.

Portrait de Paul-Émile Borduas, agé et aux traits amincis.
Paul-Émile Borduas (1905-1960)
« Je me suis reconnu de mon village d'abord, de ma province ensuite, Canadien français après, plus Canadien que Français à mon premier voyage en Europe, Canadien (tout court, profondément semblable à mes compatriotes) à New York, Nord-Américain depuis peu. De là, j'espère posséder la Terre entière. »