Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire
Musée virtuel du Canada

Signataires

Photo de la Seconde exposition des automatistes dans laquelle on voit les artistes assis au pied d’un tableau de Borduas.

Artiste : Maurice Perron
Titre : Seconde exposition des automatistes au 75,
rue Sherbrooke Ouest, chez les Gauvreau
, 1947, tirage 1998
(de gauche à droite : Claude Gauvreau, Mme Gauvreau,
Pierre Gauvreau, Marcel Barbeau, Madeleine Arbour,
Paul-Émile Borduas, Madeleine Lalonde, Bruno Cormier,
Jean-Paul Mousseau)
Techniques d’expression : Épreuve à la gélatine argentique
Dimensions : 26 x 33,5 cm
Collection : Musée national des beaux-arts du Québec
No d’accession : 1999.213
Mention : Don de la famille Perron

Le groupe reçoit le nom d’Automatistes lors d’une exposition présentée chez les Gauvreau, rue Sherbrooke Ouest du 15 février au 1er mars 1947. Un critique, Tancrède Marsil, publie le 28 février un texte dans le journal Le quartier latin sous le titre « Les Automatistes. L’École Borduas ». Ce sobriquet fut inspiré par un tableau de Borduas intitulé Automatisme 1947. Le mot est resté et fût repris rapidement, contre toute attente et contre le bon vouloir des membres du groupe eux-mêmes, car l’expression apparaissait ambiguë et non représentative. Outre Paul-Émile Borduas, le manifeste est contresigné par quinze autres jeunes artistes.

Pressentant l’impact social du manifeste, Borduas refuse que certains membres du groupe, trop jeunes de son point de vue, signent le document et endossent les responsabilités qui en découlent.




Première rencontre avec Borduas
Fernand Leduc
Séquence vidéo
Durée : 2 minutes 25 secondes
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UN PORTRAIT DES SIGNATAIRES

Madeleine Arbour
« À titre d’artiste et de consultante en design intérieur, elle participe à plusieurs émissions de télévision, notamment à Radio-Canada où elle est également animatrice d’émissions pour enfants. On lui doit des plans d’aménagement, des murales, des tapisseries (dont celle du pavillon du Québec à Osaka) ». (André-G. Bourassa, 1988)

Marcel Barbeau
« Le difficile, le compliqué qui aura un long parcours à faire avant d'atteindre la sérénité d'un équilibre plus stable, peut-être moins précieux. Émotivité intense en pleine évolution. [...] Nous avons cru à l'avènement de la transmutation. Depuis Marcel continue à ne pas nous ménager les surprises». (Paul-Émile Borduas, c.1947-1948)

«Il fut certes l’automatiste le plus fougueux, et celui qui poussa l’écriture plastique frénétique le plus loin, avec Riopelle. Élève de Borduas à l’École du meuble, Barbeau fut le constant compagnon de Riopelle – leur évolution fut strictement parallèle ».


Bruno Cormier
« Dadaïsme à base de baroque et de romantisme exacerbé. … Composa du théâtre poétique inspiré. … Découvrit en même temps que Pierre [Gauvreau] les mouvements d’avant-garde.
D’abord réticent, il devint bientôt un apôtre ardent de la révolution artistique. … Avec Fernand Leduc, il étudia à fond le mouvement surréaliste – et connut Freud.
Une fois ses études de médecine terminées, il s’orienta vers la psychanalyse ».
(Claude Gauvreau, 1950)

Marcelle Ferron
« Jadis, elle fréquenta les Beaux-Arts de Québec. [...] Ses amis lui reprochaient d’imiter Borduas : elle n’avait jamais vu un tableau de Borduas, elle ignorait tout de l’automatisme. Plus tard, son intuition toujours alerte la convainquit que ce Borduas inconnu serait probablement l’homme qui pourrait l’aider. Elle l’alla trouver à son bureau de l’École du meuble. … [Il] l’encouragea, lui fit des critiques ». (Claude Gauvreau, 1950)

Claude Gauvreau
« Le héros d'une soirée inoubliable où il fut donné d'entrevoir ce que pourrait être le théâtre surrationnel. La calme et formidable assurance d'un révolutionnaire né poète et tribun. Celui de nous tous à l'activité la plus facilement justifiable, la moins dispersante ». (Paul-Émile Borduas, c.1947-1948)

Pierre Gauvreau
« Pierre le peintre-né. La peinture révolutionnaire la plus sereine qui soit. Aurore ou soleil couchant.
Dans un coin d'ombre fraîche, je vois la danse tranquille des fantômes familiers sur un ciel de feu. C'est la détente dans l'oasis inespérée. L'ordre imprévu d'un monde neuf dans la vieillesse aigrie de celui qui nous entoure ». (Paul-Émile Borduas, c.1947-1948)


Muriel Guilbault
« [Elle] décida de devenir actrice professionnelle (à 14 ans). [...] Muriel était prodigieuse dans Huis clos (Sartre lui-même qui la vit jouer et qu’elle connut voulu l’emmener avec lui en France). … Je fus celui qui l’initia au surréalisme. Elle reconnut immédiatement en elle des échos familiers – le surréalisme, sans rien connaître du mouvement historique, elle l’avait toujours vécu dans sa vie privée. En même temps, un prodigieux roman s’éveilla pour moi. Muriel fut mon grand amour ». (Claude Gauvreau, 1950)

Fernand Leduc
« Après Borduas, il fut le premier à expérimenter l’automatisme. … Travailleur laborieux, patient, il fut d’une extrême rigueur envers lui-même. S’emballa pour le surréalisme. Renia complètement le christianisme. Il fut de la rue Amherst – c’est même lui qui eut le premier l’idée de cette exposition. Son atelier fut longtemps fréquenté par les plus jeunes du groupe ». (Claude Gauvreau, 1950)

Jean-Paul Mousseau
« Le bûcheron du groupe à la brosse de porc-épic. Le plus maladroit des hommes quand il n'est pas intéressé, mais pour ce qu'il aime, le patient, le soigneux par excellence. Une poussière sur ses merveilleuses aquarelles en désorganise la beauté tant elles sont amoureusement exécutées. Fulgurantes synthèses spontanées, obtenues par l'« analyse » automatique la plus serrée. Sens impeccable de l'harmonie dans la totale absence de sens critique. Le bienheureux, l'envié ». (Paul-Émile Borduas, c.1947-1948)


Maurice Perron
« Maurice Perron étudie l’ébénisterie à l’École du meuble où il est l’élève de Borduas en même temps que Marcel Barbeau, Roger Fauteux et Jean-Paul Riopelle. Il côtoie le groupe des Automatistes durant l’hiver 1947-1948 et en devient le photographe attitré. [...] Presque toutes les photos publiées dans Refus global sont de lui, de même que celle de Danse dans la neige sur une chorégraphie de Françoise Sullivan. Mythra-Mythe, la maison d’édition de Refus global, du Vierge incendié et de Projections libérantes est enregistrée à son nom. Ses photographies sont importantes non seulement par leur caractère documentaire mais par la qualité du regard qui sait saisir un geste, un éclairage, et même les effets du hasard ». (André-G. Bourassa, 1988)

Louise Renaud
« Louise Renaud fait ses études à l’École des beaux-arts de Montréal avant de partir pour New York en 1944, où elle suit des cours d’éclairage de scène [...]. Elle travaille également « au pair » dans la famille de Pierre Matisse, directeur d’une galerie d’art à New York qui expose plusieurs peintres d’origine européenne. [...] C’est par elle que les Automatistes découvrent les publications les plus récentes que les surréalistes font paraître à New York ». (André-G. Bourassa, 1988)

Thérèse Renaud [Leduc]
« Thérèse Renaud participe aux rencontres des Automatistes, avec ses sœurs Louise et Jeanne. Elle publie un premier poème dans le Quartier latin (13 novembre 1945, avec illustration de Mousseau). Puis un recueil, Les Sables du rêve, en 1946. Elle part pour Paris et prend contact avec les milieux artistiques d’avant-garde. Elle y épouse Fernand Leduc et contribue à organiser l’exposition « Automatisme » à la Galerie du Luxembourg en juin et juillet 1947 ». (Roger Chamberland, 1982)

Françoise Riopelle
« Françoise Riopelle (née Lespérance) étudie la danse de 1942 à 1946, période durant laquelle elle se joint au groupe des Automatistes. De 1947 à 1958, on la retrouve à Paris avec Jean-Paul Riopelle où elle travaille selon les techniques les plus avant-gardistes de la danse moderne. [...] À compter de 1959, elle participe à des chorégraphies sur des musiques électroacoustiques de Pierre Mercure notamment et recourt à toutes sortes de ressources nouvelles, objets, écrans multiples, sculptures faites en performance par Armand Vaillancourt, etc. Elle est peut-être la première de nos chorégraphes post-modernes ». (André-G. Bourassa, 1988)

Jean-Paul Riopelle
« Le feu et l'eau réunis en un tourbillon insaisissable. Riopelle jeune nébuleuse dont l'orbe encercle Paris, New York, Montréal. Longtemps après son passage se fait encore sentir un reste de déplacement. Ses dernières œuvres font rêver à une nouvelle planète aux formes miraculeusement évoluées ». (Paul-Émile Borduas, c.1947-1948)

Françoise Sullivan
« Danseuse de ballet brillante, élève douée de l’École des beaux-arts, elle prit part à la révolte contre Maillard. Elle exposa aux Sagittaires. … Elle abandonna la peinture, et se consacra à la danse. … Vers la fin de la guerre, elle alla étudier à New York… Elle découvrit les disciplines modernes de danse – et son évolution fut rapide. [...] Le moment crucial pour elle fut le manifeste Refus global ». (Claude Gauvreau, 1950)

Image d'entête : Page des signataires de Refus global (détail inversé).


TRANSCRIPTION DE LA VIDÉO

Saisie d'écran de l'entrevue de Fernand Leduc

Première rencontre avec Paul-Émile Borduas.
Fernand Leduc

J’ai connu Paul-Émile Borduas indirectement par Pierre Gauvreau que j’avais connu à l’École des beaux-arts de Montréal avec Françoise Sullivan. Pierre Gauvreau avait eu le privilège de rencontrer Borduas qui avait remarqué une de ses œuvres à l’occasion d’une exposition d’œuvres d’étudiants au Gésu. Borduas avait considéré que Pierre Gauvreau avait beaucoup de talent et il avait demandé à le voir. Je savais donc, à l’École des beaux-arts, qu’il avait rencontré Borduas. Je connaissais un peu les œuvres peintes de Borduas, à son retour de France, dans un style tout à fait particulier qui nous paraissait une peinture très contemporaine par rapport à ce que l’on connaissait : Clarence Gagnon et autres. Alors, j’ai demandé à Pierre : «la prochaine fois que tu le vois, est-ce que tu peux lui demander si je pourrais y aller aussi ?» Borduas a répondu : « oui, c’est bien sûr, bien sûr ». On a fini par être un petit groupe autour de Paul-Émile Borduas. On se rencontrait une fois par semaine, et on sortait de là exaltés par nos rencontres et tout ce qu’on avait discuté entre nous. Au fil des circonstances, on a continué à se voir, on apportait nos petits travaux et on discutait de ce qui s’était passé dans la semaine ou dans le mois, de la revue, de ceci, de cela, en fait, de tout ce qui pouvait intéresser l’art et la vie sociale.

Dans une lettre à Fernand Leduc du 22 juillet 1947, Borduas parle d’une exposition à laquelle il projette de participer au Musée d’art moderne de Paris. « À date voici ce qui est décidé au sujet de l'exposition du Père [le père Marie-Alain Couturier] à Paris. Nous y participerons Pierre [Gauvreau], Mousseau et moi à titre de Canadiens. (Le retentissement dans nos journaux de votre exposition de la rue Gay-Lussac nous confirme dans cette décision.)
Le Père a choisi une dizaine de peintures de Pierre, autant d'aquarelles de Mousseau, huit des dernières toiles que j'avais à l'atelier. Il est entendu que tous ces tableaux seront montrés dans une salle à part mais faisant partie intégrante de son exposition.
Après son départ, le Père m'a fait dire par Barcelo que je pouvais rajouter un grand tableau au choix qu'il avait fait et toute autre toile que je jugerais à propos. Voilà pour moi. Pour les jeunes, ça c'est vous, que si je voulais m'en occuper qu'il accepterait tous ceux que je voudrais ajouter, qu'il s'en remettrait à mon jugement.
C'est à ce moment que je vous ai offert, et par vous à Riopelle, d'y participer. J'ai fait la même offre à Barbeau, à Vermette. J'ai aussi pensé, sans leur en parler, à Mme Hamelin [Marcelle Ferron] et à [Paul] Wilson. Ce qui aurait donné une participation complète des peintres encore actifs du groupe. »

La participation de Borduas à cet événement tombe à l’eau et le projet avorte, car la présence du père Couturier, et indirectement celle de la religion à la tête de cette exposition, devenait irrecevable pour Fernand Leduc et Jean-Paul Riopelle, présents à Paris et en contact avec André Breton et les surréalistes. Toutefois, cette lettre permet de cerner les artistes, les peintres que Borduas considère comme faisant partie du groupe des automatistes à cette époque.