Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire
Musée virtuel du Canada

Racines

Expansion rayonnante. Composition de formes noires qui éclatent du centre de l'oeuvre, sur fond blanc, à la spatule.

Paul-Émile Borduas, Expansion rayonnante, 1956, huile sur toile.
Collection du Collection Musée des beaux-arts de Montréal,
don du Dr et de Mme Max Stern. Photo Luc Bouvrette.
© Succession Paul-Émile Borduas / SODRAC (2013)
Empreint de calme, d’insouciance et de découverte, son premier séjour en France, 1928-1930, correspond à une belle période dans la vie de Borduas. Pourtant, il n’en oublie pas ses racines et son attachement à Saint-Hilaire. Il apprivoise Paris et séjourne aussi en province pour explorer et visiter plusieurs régions comme la Bretagne :
« Ici, je suis bien et le plus heureux du monde. Vendredi dernier j'arrivais de Bretagne où j'ai passé un magnifique mois de vacances à la plage. La semaine prochaine je partirai pour la Lorraine où je décorerai la plus belle des petites églises, juge de mon plaisir. La France est un pays merveilleux mais surtout Paris. À cause de tout ça je ne m'ennuie pas, tout en pensant souvent oh! très souvent à mon beau Canada, à Saint-Hilaire et à mes amis.
»

La vie française lui plaît beaucoup, le milieu artistique aussi. Il est enchanté par les impressionnistes et les artistes de la vague moderniste tels que Picasso. Il aimerait prolonger son séjour, mais la réalité l’oblige à rentrer au pays.

Longtemps, il conserve le projet de retourner en Europe avec sa famille. Mais il semble que son attachement à son pays d’origine est plus fort que son désir de partir. Puis, malgré son exil de 1953 à son décès en 1960, cet attachement persiste, en fait foi la lettre qu’il écrit à Claude Gauvreau en 1958 :

« J'aimerais être aussi en forme que vous l'étiez en écrivant votre dernière lettre. Si franche, claire et puissante, qu'elle semble comme écrite du sommet de notre « Pain-de-Sucre » qui ne craint ni le vent, ni les tempêtes. Loin de ces hauteurs je barbote : dépression, trouble respiratoire, pas de soleil dans le ciel ni dans la tête, pas de peinture. Je me laisse soigner gentiment sans grand résultat. Le temps passe. La lumière reviendra, un jour ou l'autre, avec sa joie de vivre. Familières et banales ces perturbations diverses suivent hélas un cycle trop connu. Un peu de pêche, un peu d'amour et de chasse dans mon clair pays seraient le traitement indiqué, mais somptuaire! »

Avec le temps, Borduas se crée une image idéalisée du lieu qui a bercé son enfance et qui a permis à son art et à sa vie familiale de s’épanouir. Elle devient le symbole même du bien-être et du bonheur.

Image d'entête : Le chemin du bord de l’eau (aujourd’hui des Patriotes) (SHBMSH, collection Simon Beauregard, 18-02)

Dans une lettre qu’il écrit à son ami Guy Viau en avril 1947, Borduas souligne ses projets, et la réalité de son attachement à son pays : « Mon rêve d'aller un jour prochain, avec ma petite et chère famille m'installer en France s'est enfui devant les difficultés morales de ces temps de trouble.
De plus en plus aussi, je me rends compte que mes activités de ces dernières années m'ont profondément marqué. Durant des années je m'étais cru dégagé de tout esprit nationaliste, aujourd'hui je me retrouve à penser que si je puis atteindre un certain ordre international ce n'est que dans un enracinement progressif dans le milieu où j'ai oeuvré depuis quelques années. Donc m'expatrier en ce moment me semble une impossibilité. En tout cas il est impossible que je fasse de moi-même les premiers pas. »