La Maison de Paul-Émile Borduas
Paul-Émile Borduas, Les voiles blancs du château-falaise, 1949,
huile sur toile. Collection particulière.
Photo MBAM, Christine Guest et Brian Merret
© Succession Paul-Émile Borduas / SODRAC (2013) La production artistique, la vie et les souvenirs de Borduas sont rythmés par les références au climat, aux saisons et à sa terre natale. À chaque printemps, la floraison et la renaissance des pommiers rythment sa vie. Le passage du temps et des saisons construit sa vision et influence son travail. Que ce soit, le printemps, l’automne, la neige ou les pommiers, les sujets de ses œuvres rappellent fréquemment ses racines. Comme les cycles chauds et froids qui marquent les saisons, la production de Borduas connaît des périodes d’intense activité ou de grande langueur. Ces extrêmes qui l’habitent se révèlent dans ses toiles. Même à des milliers de kilomètres de Saint-Hilaire, les thèmes abordés relèvent souvent de la diversité des saisons québécoises.
Les pommiers, la rivière et surtout la montagne sont autant de thèmes caractéristiques de Saint-Hilaire fréquemment abordés dans la production de l’artiste. La légende de la grotte des Fées ainsi que toutes les autres histoires fantastiques qui planent sur le mont Saint-Hilaire participent à sa vision du monde. Dans ses réflexions, ses écrits, sa production artistique ou simplement lorsqu’il se remémore les bons moments passés en famille, Borduas fait souvent des liens entre cette nature et la création artistique. Elle devient une source d’inspiration et les références demeureront incontournables et récurrentes tout au long de sa vie.
Saint-Hilaire
François-Marc Gagnon
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Borduas est imprégné par la réalité de ce qui l’entoure, notamment la culture de la pomme, typique de Saint-Hilaire. La nature et les thèmes qui en découlent font partie de sa conception de la vie et de l’art. Lorsqu’il décrit et fait référence à l’inconscient et au surrationnel, il reprend la métaphore de la pomme.
« L'enfant, un des fruits du désir de l'amour, n'est uni au désir qui lui permet d'être que par magie surrationnelle.
Dans l'amour fou, le désir délirant est la possession totale de l'objet aimé, possession qui exige un don équivalent de soi. Le bonheur désiré est sans limites, indéfini.
Chaque plaisir, si violent soit-il, n'est qu'un moyen.
L'enfant naît d'un de ces moyens.
Le pommier fait lui-même ses fleurs. Elles seront cependant impuissantes à produire leur fruit sans les hasards heureux de la pollinisation.
Les pommes sont des grâces surrationnelles pour le pommier.
Voilà des objets non préconçus, généreux, spontanés.»
La montagne est un lieu d’inspiration infini. La grotte des Fées ou l’imposante falaise Dieppe hantent l’esprit de Borduas dans plusieurs de ses œuvres. La montagne devient un lieu de mystère et de découverte. Elle produit ce que Borduas appelle « le hasard heureux de la pollinisation » en lui inspirant des émotions et des sensations qu’il reproduit ou inscrit sur ses tableaux.
St-Hilaire
François-Marc Gagnon
La première association qu’on fait avec Borduas, c’est certainement Saint-Hilaire. En effet, toute son œuvre est marquée par l’influence du paysage. C’est la montagne, la rivière, la plaine, ces grands éléments. L’interprétation qu’Ozias Leduc pouvait en faire a sans doute marqué Borduas. Quand il a rencontré Ozias Leduc, celui-ci connaissait déjà la géologie du lieu et il s’intéressait aux questions scientifiques. On pouvait se demander si la montagne était vraiment un volcan ou une simple bosse… mais on retrouve des morceaux du discours de Leduc sur Saint-Hilaire dans l’œuvre de Borduas. Par exemple, la fameuse caverne, le Trou des fées, il y a une petite gouache de Borduas qui porte ce nom; ou encore la falaise… Quand Borduas fait allusion à une montagne c’est toujours le mont Saint-Hilaire.
Borduas est dans son milieu à Saint-Hilaire, ses parents viennent de là; il est en contact avec Leduc et il est aussi devant une nature qui le sollicite constamment et à laquelle il s’intéresse toujours. Et je me demande si le fait de ne pas être à Montréal, de prendre un peu de distance avec les jeunes artistes automatistes, d’avoir une vie un peu plus privée ne l’a pas aidé à mieux travailler. On ne le réalise pas mais l’œuvre de Borduas est faite envers et contre tout car étant professeur, son temps passe à donner des cours, et il n’a pas le temps de peindre. Quand on compare le nombre d’œuvres créées par Borduas, disons au hasard mille sept cents (1 700) œuvres au total, avec le nombre d’œuvres de Riopelle ou d’autres artistes, ça n’a aucun rapport : pour eux c’est peut-être quarante milles (40 000). Borduas est mort jeune, mais il a travaillé dans des conditions où il lui fallait trouver de la liberté pour créer, ce n’était pas facile. Donc, vivre à Saint-Hilaire, mettre une distance, lui permettait de couper les liens, les entrevues, les «mondanités».
On se demande quel rapport physique Borduas pouvait avoir avec son environnement. Je ne sais pas s’il faisait des promenades, mais il passait beaucoup de temps sur le Richelieu. Comme la famille Borduas n’avait pas beaucoup d’argent, aller à la pêche c’était formidable, ça réglait le problème du repas. Et en même temps, je pense que Borduas aimait beaucoup être seul. Riopelle a raconté qu’ils ne parlaient pas beaucoup de peinture entre eux, ils allaient à la pêche et parlaient de poisson.
Paul-Émile Borduas, N° 47 ou Le trou-des-fées, 1942, gouache. Collection particulière.
© Succession Paul-Émile Borduas /
SODRAC (2013)
Borduas écrit dans le texte Le Surrationnel et nous :
« En tout cas, toute direction imposée à l'amour ne pourra jamais que le détruire. Toute action choisie n'est bonne qu'à émonder. Coupons largement les branches mortes du pommier, coupons aussi largement les branches du milieu, que le soleil, la chaleur puissent pénétrer au cœur de l'arbre. Soyons ardents, attentifs, peut-être les fruits seront-ils plus parfaits. »
Dans le texte Au printemps dernier (1943), il relate les étapes de la préparation d’une communication qu’il doit préparer :
« Un été magnifique s'ouvrait dans mon avenir immédiat. J'aurais tout le temps de me préparer, c'est ce que je crus faire en partant à la conquête du beau dans la nature. La campagne m'attendait, et ses mille leçons incomparables. Allégé des fardeaux citadins, je me laissai pénétrer de lumière... Cuisant lentement sous les radieux soleils d'été, j'espérais être à point pour novembre. Dans mon ravissement, je confondis tout, jusqu'à préférer cette lumière-là aux lumières intellectuelles de partout. Les champs, les bois, la rivière, la montagne, aux peintures, aux livres, à la musique de tout le monde. De dépravation en dépravation, je me laissai aller si loin que je préférai même la contemplation de la beauté objective de toute chose à la beauté abstraite, à la beauté idéale.
Dans cet oubli extrême, les beaux jours et les moins beaux passèrent, sans que je doutasse un seul instant de ma méthode de travail. »
© Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire, 2014.
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